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Revue de jurisprudence en droit social

Juillet 2023

1/ Rémunération

Contrat de sécurisation professionnelle

Modification du contrat de travail – accord du salarié – clair et non équivoque

Cass. soc. 21 juin 2023 n° 21-21.572

La rémunération du salarié est discutée lors de l’embauche, c’est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié par l’employeur sans l’accord du salarié.

La Cour précise que la suppression d’un élément du salaire implique  l’accord clair et non équivoque du salarié, ceci en référence à l’ancien article 1134 du Code civil.

En l’espèce, la seule signature d’un avenant est jugée insuffisante. L’exigence d’un accord clair et non équivoque impose la mention additionnelle « lu et approuvé ».

Prime d'arrivée

Prime d’arrivée – démission – clause de remboursement – liberté du travail 

Cass. soc. 11 mai 2023, n°21-25.136

Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que  les primes d’arrivées assorties d’une clause de remboursement partiel en cas de démission du salarié avec échéance donnée sont licites et ne portent pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté de travail. Elle précise tout de même, que la prime est : « indépendante de la rémunération de l’activité du salarié ».

La clause est donc licite, dès lors que la prime ne constitue pas la rémunération de l’activité, qui ne peut être soumise à une condition de présence postérieure à son versement ( Cass., soc., 8 juillet 2020, n°18-21.945, Cass., soc., 29 septembre 2021,n°13-25.549)

2/ Temps de travail

Durée quotidienne de travail

Durée quotidienne de travail maximale – droit à réparation – préjudice

Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-22.281

Depuis 2016, le salarié doit prouver l’existence et l’étendue de son préjudice pour pouvoir être indemnisé (Cass. soc. 13 avril 2016, n°14-28.293).

La Cour a déjà reconnu des exceptions en cas de dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail, laquelle ouvre droit à réparation sans nécessité de prouver la réalité d’un préjudice ( Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636).

Dans cet arrêt, la Cour reconnait une nouvelle exception en matière de  dépassement de la durée journalière  maximale de travail, pour laquelle le préjudice est présumé. 

Période d'astreinte

Période d’astreinte et temps de travail effectif – requalification

Cass. soc. 21 avril 2023, n° 20-21.843

La période d’astreinte, correspond à la période durant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et à disposition permanente et immédiate de son employeur, doit pouvoir intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

La Cour estime que la qualification de l’astreinte repose sur le niveau de disponibilité exigé du salarié. Ainsi, un trop court délai prévu pour permettre l’intervention du salarié placé en astreinte peut justifier la requalification de cette période en temps de travail effectif ; il en va ainsi si le salarié est soumis à des « contraintes d’une intensité telle qu’elle avait affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement au cours de cette période, le temps de pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à ses occupations personnelles ». 

3/ Santé au travail

Reclassement en accord avec le médecin du travail

Obligation de reclassement- création de poste – recommandations du médecin du travail

 

Cass. soc.. 19 avril 2023, n° 21-24.279

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit lui proposer un poste de reclassement approprié à ses caractéristiques et en tenant compte des préconisations du médecin du travail. 

Aucune obligation pour l’employeur de créer un nouveau poste ; mais s’il le fait, la Cour impose que l’employeur « s’assure de la compatibilité de ce poste aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin ». 

Visite médicale et inaptitude professionnelle

Anticipation du risque d’inaptitude – arrêt maladie – visite médicale

 

Cass. soc. 24 mai 2023, n° 22-10.517

La Cour précise pour la première fois, qu’un avis d’inaptitude peut être rendu pendant une période de suspension du contrat. 

Lorsque le salarié anticipe un risque d’inaptitude et souhaite faire une démarche de maintien de l’emploi, il peut solliciter une visite médicale sur le fondement de l’article R. 4624-34.

La Cour confirme que, « le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen réalisé à la demande du salarié sur le fondement de l’article R.4624-34 du Code du travail, peu importe que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail

Convention forfait jour

Accord collectif – forfait jour – protection insuffisante 

 Cass. soc. 5 juillet 2023 n° 21-23.222; n°21-23.294

Toute convention de forfait-jour doit être prévue par un accord collectif avec un régime protecteur suffisant.

La Cour apprécie la validité des dispositions des Conventions collectives Nationales (CCN) et apprécie leur degré de protection et de garantie de la santé et la sécurité des salariés.

La Cour a jugé insuffisamment protectrices les dispositions de la CNN du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et motocycle et des activités connexes du 15 janvier 1981 et l’avenant du 11 avril 2000 relatif à la CCN des prestations de services dans le secteur tertiaire du 13 août 1999.

Les deux dispositifs conventionnels « ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé. ». Elle souligne également un défaut de « suivi, effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. »

Ainsi, les conventions individuelles de forfait-jour concluent sur ces fondements sont donc nulles.

A l’inverse, les dispositions de l’avenant du 11 décembre 2012 à la CCN Etam du bâtiment sont validées car garantissant un suivi régulier et continu de la charge de travail.

4/ Rupture du contrat de travail

Harcèlement moral et impossibilité matérielle de reclassement

Licenciement nul – obligation de reclassement  – harcèlement moral – impossibilité matérielle

 

Cass. soc.. 19 avril 2023, n°21-25.221

La nullité du licenciement ouvre droit à réintégration.

Seule exception admise par le Code du travail : l’impossibilité matérielle de reclassement. (L.1235-3-1 du Code du travail).

La Cour estime que « L’existence du harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licenciement ne constitue pas une impossibilité de réintégration. »

L’employeur doit produire des éléments permettant de caractériser l’impossibilité matérielle.

Rupture conventionnelle et licenciement verbal

Rupture conventionnelle – licenciement verbal  – renonciaction


Cass. soc.. 11 mai 2023, n°21-18.117

En l’espèce, un contrat de travail est rompu par la signature d’une rupture conventionnelle.

Le salarié conteste ultérieurement la rupture intervenue,  estimant avoir été licencié verbalement quelques jours avant la signature de la convention de rupture. 

Pour la Cour, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue

Demande conjointe de résiliation judiciaire et nullité de licenciement

Résiliation judiciaire – nullité de licenciement  – demande conjointe – abandon

Cass. soc.. 11 mai 2023, n°21-23.148

En l’espèce, un salarié a initialement formé une demande de résiliation judiciaire. Il a ensuite fait l’objet d’un licenciement : qu’il a contesté en invoquant une nullité. 

Que se passe t il en cas de renonciation en cours d’instance de la demande de résiliation judiciaire ?

Le juge doit tout de même, examiner la demande de réintégration du salarié.

Cumul d'indemnisation en cas de harcèlement moral

Licenciement nul- harcèlement moral  – indemnisation – cumul

Cass. soc.. 1er juin 2023, n°21-23.438

Le licenciement du salarié prononcé pour avoir subi des faits de harcèlement est nul et ouvre droit à une indemnité. .  

Pour la Cour, cette indemnisation ne fait pas obstacle à une autre demande indemnisant le préjudice résultant du harcèlement moral. 

Le cumul est possible, à condition de démontrer deux préjudices distincts.

Indemnité spéciale de licenciement et rupture du contrat de travail

Licenciement- inaptitude professionnelle – indemnité spéciale  – rupture du contrat de travail – prescription

Cass. soc.. 21 juin 2023, n°22-10.539

Dans cet arrêt, la Cour de cassation nous précise pour la première fois que l’action en paiement de l’indemnité spéciale (d’origine professionnelle ou un accident de travail) de licenciement prévu à l’article L.1226-14 du Code de travail, se rattachant à la rupture du contrat de travail et non à la réparation d’un dommage causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail. La prescription de cette action est donc de 12 mois conformément à l’article L.1471-1 du Code du travail.

5/ Source du droit du travail

Précision sur l'usage

Usage – critères – généralité

Cass. soc.. 21 juin 2023, n°21-22.076

L’existence d’un usage est conditionné à la réunion de trois critères cumulatifs  : la généralité, la constance et la fixité.

La Cour précise que le critère de généralité est rempli dès lors qu’un avantage est versé à l’unique représentant d’une catégorie de personnel.

Cette décision vient étendre le champ du  critère de généralité. 

6/ Contrat de travail

Nouvel épisode dans la saga Uber

Contrat de prestations de services – contrat de travail – requalification

CA de Paris. 11 mai 2023, n°22/08217

La lutte pour la requalification des contrats « Uber » en contrat de travail n’est pas terminée. Après les requalifications obtenues en 2018 pour les salariés de la société « take est easy » puis « Uber » en 2020 et en 2023. ( Cass. soc., 28 novembre 2018, n°17-20 .079) ( Cass. soc. 4 mars 2020 n°19-13.316, 25 janvier 2023, n°21-11.273).

La Cour d’appel nous rappelle que la requalification des contrats est appréciée au cas par cas via l’analyse d’un faisceau d’indices.

En l’espèce, la Cour d’appel de Paris n’a pas reconnu l’existence d’un lien de subordination, le chauffeur ayant la liberté d’adhérer à la plateforme mais également de se déconnecter à tout moment pour réaliser des courses à son compte. 

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En application de l’article L.3123-22 du Code du travail, la durée du travail d’un salarié à temps partiel peut être augmentée temporairement par avenant.

En l’espèce un salarié à temps partiel avait signé un avenant temporaire (11 mois) de passage à 152 heures sur le fondement des dispositions de la convention collective applicable.

Le salarié a sollicité la requalification à temps plein.

Pour la Cour, l’avenant ne pouvait avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée conventionnelle.