RC individuelle – contexte de harcèlement sexuel (nullité)
Cass. soc., 4 novembre 2021, n° 20-16.550
Conformément à l’article L. 1237-11 du Code du travail, la rupture conventionnelle individuelle doit résulter d’un accord entre l’employeur et le salarié.
Elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties et est soumise aux conditions de validité du droit commun.
En conséquence, le consentement du salarié ne doit pas avoir été vicié, notamment par violence.
La jurisprudence s’est montée plutôt libérale en la matière, considérant qu’un contexte de harcèlement n’affecte pas en lui-même la validité d’une rupture conventionnelle (Cass. soc. 23 janvier 2019, n° 17-21.550).
En revanche, lorsque le salarié se trouve du fait de ce contexte victime de violence morale, le juge peut considérer que son consentement a été vicié (Cass. soc. 29 janvier 2020 , n° 18-24.296).
Dans les faits de l’arrêt commenté, la rupture conventionnelle était intervenue dans un contexte de harcèlement sexuel.
L’employeur, alertée par la salariée, n’avait pas réagi en mettant en œuvre des mesures de nature à protéger sa collaboratrice.
La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a retenu que la salariée s’est trouvée contrainte d’accepter la rupture de son contrat pour éviter une aggravation de la situation.
La rupture conventionnelle a donc été annulée.
Salaires minima hiérarchiques – intégration des compléments de rémunération
CE, 7 octobre 2021, n° 433053
En application de l’article L. 2253-1 du Code du travail, l’accord collectif de branche prévaut sur l’accord collectif d’entreprise sur certains thèmes précis, sauf si l’accord d’entreprise contient des garanties au moins équivalentes.
Parmi ces thèmes, figure celui des « salaires minima hiérarchiques » (SMH).
Cette notion n’a pas été définie par le législateur. En pratique, il était généralement retenu qu’elle visait le salaire de base minimal de branche.
Par cet arrêt du 7 octobre 2021, le Conseil d’Etat considère qu’il revient à l’accord ou la convention de branche de définir la notion de SMH.
Concrètement, les partenaires sociaux de branche peuvent déterminer si les SMH recouvrent :
Le Conseil d’état précise que, lorsque la notion extensive des SMH est retenue dans la branche, l’accord d’entreprise peut toujours réduire ou supprimer les compléments de rémunération de branche sous réserve de garantir une rémunération effective aux salariés au moins égale.
Contrepartie financière – révision en cas de montant trop élevé (non)
Cass. soc., 13 octobre 2021, n° 20-12.059
Depuis une décision fameuse du 10 juillet 2002 (n° 00-45.387), la Cour de cassation subordonne la validité de la clause de non-concurrence à l’insertion d’une contrepartie financière.
Le montant de cette dernière ne doit pas être dérisoire, sauf à encourir l’annulation de la clause (Cass. soc. 4 novembre 2020, n° 19-12.279).
Le montant de la contrepartie financière étant décidé par les parties contractantes, le juge n’a pas le pouvoir de l’augmenter ou de le diminuer (jurisprudence constante)
En l’espèce, l’employeur avait tenté de faire valoir le caractère exorbitant du montant de la contrepartie financière (près de 80.000 euros).
Sans surprise, la chambre sociale a confirmé sa jurisprudence en refusant de réviser le montant de la contrepartie financière et en rappelant que cette dernière n’a pas la nature d’une clause pénale.
RC collective – fermeture de site (non)
CAA Versailles, 20 octobre 2021, n° 21VE2220
En application de l’article L. 1237-19 du Code du travail, la rupture conventionnelle collective (RCC) doit être mis en place par accord collectif « excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d’emplois ».
Dans son Questions-Réponses sur la RCC, le Ministère du travail en déduisait que ce dispositif ne peut pas être proposé dans un contexte de fermeture certaine d’un site, « ce qui aurait pour effet et de fausser le caractère volontaire de l’adhésion au dispositif et de ne pas permettre le maintien dans l’emploi des salariés non candidats à un départ ».
Dans un arrêt du 20 octobre 2021, la Cour administrative d’appel a eu l’occasion de retenir la même solution.
Est donc annulée la validation par l’administration du travail d’un accord collectif prévoyant de déployer une RCC dans un site destiné à être fermé.
Non-respect du Smic – préjudice automatique (non)
Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-10.634
Le versement du Smic est d’ordre public absolu, sans aucune dérogation.
En cas de non-respect du Smic par l’employeur, le salarié a droit au rappel du salaire dû outre les intérêts de retard.
La question se pose de la possibilité pour le salarié de solliciter en sus une indemnisation complémentaire pour préjudice distinct.
La Cour de cassation retenait auparavant un préjudice nécessaire et automatique en la matière (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 10-12.884).
Néanmoins, depuis l’arrêt de principe du 13 avril 2016 (n° 14-28.293), la chambre sociale décide désormais que le salarié qui formule une demande d’indemnisation au titre d’un préjudice subi, doit prouver la réalité et l’ampleur de ce préjudice.
Cette position de bon droit et de bon sens a depuis été transposée à de nombreux sujets.
Dans l’arrêt du 29 septembre 2021, la Haute Cour retient la même solution s’agissant du non-respect du Smic.
Renonciation tardive – Contrepartie financière due en totalité
Cass. soc., 13 octobre 2021, n° 20-10.718
Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation retient que la contrepartie financière est due en totalité lorsque l’employeur a renoncé à l’obligation de non-concurrence au-delà du délai prévu pour ce faire.
La chambre sociale a eu l’occasion de confirmer encore sa position dans l’arrêt commenté, de manière implacable.
En l’espèce, l’employeur avait renoncé tardivement à la clause de non-concurrence, mais un accord avait été trouvé dans un second temps avec le salarié, devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de prud’hommes.
Cet accord prévoyait une renonciation réciproque des deux parties à la clause de non concurrence.
Le Conseil de prud’hommes en avait déduit que le paiement de la contrepartie financière devait s’interrompre à la date de l’accord entre les parties.
Position erronée selon la Cour d’appel et la Cour de cassation : peu importe l’accord intervenu entre les parties, la contrepartie financière doit être payée jusqu’au terme de l’obligation de non concurrence en cas de renonciation tardive de l’employeur.
Dans ce contexte, la seule échappatoire pour l’employeur est de tenter de démontrer que le salarié n’a pas respecté son obligation de non-concurrence.
Exclusion de l’électorat des salariés assimilés à l’employeur – inconstitutionnalité
Cons. constit, 19 novembre 2021, n°2021-947
L’article L. 2314-18 du Code du travail fixe les conditions suivantes pour être électeur aux élections professionnelles du CSE :
La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation a ajouté une condition de non-assimilation à l’employeur.
Elle exclut ainsi de l’électorat et de l’éligibilité (jurisprudence constante, voir notamment, en dernier lieu : Cass. soc. 31 mars 2021, n° 19-25.233) :
L’organisation syndicale CFE-CGC, concernée au premier chef par cette jurisprudence, a obtenu la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.
Les Sages se sont prononcés à la lumière du Préambule de la Constitution de la IVème Républicaine qui consacre notamment le principe de participation des travailleurs.
Ils ont retenu que l’article L. 2314-18 du Code du travail, tel qu’interprété en jurisprudence, est inconstitutionnel.
Cet article est donc abrogé.
L’abrogation n’interviendra que le 31 octobre 2022, le temps pour le législateur d’édicter un nouveau texte.
Pour les élections professionnelles à organiser avant cette date, et jusqu’à l’entrée en vigueur de nouvelle règles, il convient de maintenir l’application de la jurisprudence d’exclusion de l’électorat des salariés assimilés à l’employeur.
La décision du 19 novembre 2021 rappelle sur ce point que les mesures prises avant le 31 octobre 2022 ne pourront pas être contestées sur le fondement de l’inconstitutionnalité constatée.
Parité hommes / femmes – compétence du DREETS (non)
Cass. Soc., 29 septembre 2021, n° 20-60.246
Depuis la loi « Rebsamen » du 17 août 2015, les listes de candidats aux élections doivent respecter un impératif de parité de représentation équilibrée des hommes et des femmes.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, ces règles ont généré en pratique de nombreuses difficulté et un contentieux important.
Dans cet arrêt du 29 septembre dernier, la chambre sociale poursuit son effort de clarification.
La question posée était celle de la compétence ou non du DREETS (ex-Direccte) pour fixer la proportion des hommes et des femmes dans chaque collège électoral, faute d’accord dans le cadre de la négociation préélectorale.
Pour mémoire, en l’absence de protocole d’accord préélectoral valablement conclu et si au moins une organisation syndicale a participé à la négociation, le DREETS doit être saisi pour fixer la répartition du personnel et des sièges entre les collèges (article L. 2314-13 du Code du travail).
Cette compétence ne s’étend toutefois pas à la mention de la proportion hommes / femmes dans chaque collège.
La Cour de cassation confirme donc qu’à défaut d’accord, il revient à l’employeur de fixer cette proportion, sous le contrôle des organisations syndicales (en ce sens : Cass. soc. 12 mai 2021, n° 20-60.118).
En cas de litige, sera compétent le Tribunal judiciaire, dans le cadre du contentieux électoral.
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