Forfait privé d’effet – remboursement des jours de repos
Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 17-28.234
Comme l’a décidé une jurisprudence claire et constante, sont privées d’effet les conventions de forfait annuel en jours lorsque l’employeur n’assure un suivi effectif de la charge de travail.
La conséquence pratique est radicale : faute de forfait jours valable, le salarié se trouve soumis à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures. Il peut dès lors revendiquer le paiement des heures supplémentaires éventuellement effectuées au-delà de cette durée.
Avec l’arrêt du 6 janvier 2021, la chambre sociale apporte une nuance bienvenue pour les employeurs : l’autre conséquence de la privation d’effet est que les jours de repos liés au forfait pris doivent être remboursés à l’employeur.
Le montant concerné viendra donc a minima en déduction de l’éventuelle condamnation de l’employeur à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Présentation des heures revendiquées – Temps de pause (non)
Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 17-31.046
En matière d’heures supplémentaires, la charge de la preuve n’incombe spécialement ni au salarié ni à l’employeur.
Il appartient au salarié, dans un premier temps, de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu’il prétend avoir accomplies.
L’employeur doit y répondre dans un second temps.
Le salarié n’a donc pas à apporter la preuve des heures prétendument effectuées. Dans son arrêt très commenté du 18 mars 2020 (n° 18-10.919, PBRI), la chambre sociale a même remplacé l’ancienne condition selon laquelle le salarié devait « étayer » sa demande. Désormais, il ne lui suffit que de produire des éléments suffisamment précis.
En pratique, cela peut se traduire par un simple tableau récapitulatif des heures effectuées, sous, réserve, a minima, qu’elles soient précisées au jour le jour et semaine par semaine.
Dans l’arrêt du 27 janvier 2021, la Cour de cassation a cru bon d’alléger encore la tâche du salarié demandeur : le fait que le décompte des heures de début et de fin de service ne fasse pas apparaître le temps consacré à une pause déjeuner ne permet pas aux juges du fond de rejeter la demande.
Cette solution est pour le moins critiquable. Elle permet ainsi au salarié demandeur de se contenter de présenter une amplitude de travail dans la journée, et non la réalité des horaires de travail qu’il aurait effectués.
Dissimulation d’un PSE – Vice du consentement
Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-18.549
La rupture conventionnelle du contrat de travail est un moyen de rupture d’un commun accord qui a rencontré un franc succès en pratique et le contentieux est relativement rare.
Ce mode de rupture n’est toutefois pas inattaquable. En particulier, le consentement du salarié ne doit pas être vicié.
Sont visés les vices du consentement de droit commun : l’erreur, le dol et la violence (article 1130 du Code civil).
Dans cette espèce, le salarié avait conclu une rupture conventionnelle, dans l’ignorance du plan de sauvegarde de l’emploi qui l’a suivi peu après, prévoyant la suppression de son emploi.
La Cour d’appel a jugé que, dans cette situation, était caractérisée un dol par rétention d’information, dol déterminant du consentement su salarié.
La rupture conventionnelle a donc été annulée, entraînant les effets indemnitaires d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’arrêt est confirmé par la Cour de cassation.
En pratique, les entreprises menant un PSE évitent généralement le recours aux rupture conventionnelles en cours de procédure et après celles-ci. Au regard de cet arrêt, la prudence commande désormais les mêmes précautions pour la période précédant le plan social.
Clause de non concurrence – Effet libératoire (oui)
Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-20.635
Il est désormais de jurisprudence claire et constante qu’un protocole d’accord transactionnel rédigé en des termes généraux a plein effet de telle sorte qu’il met fin à tout différend et que le salarié renonce à tout recours lié à l’exécution ou la rupture du contrat de travail (notamment : Cass. soc. 30 mai 2018, n° 16-25.426 ; Cass. soc. 20 février 2019, 17-19.676).
La chambre sociale a eu l’occasion de confirmer une nouvelle fois sa position dans un arrêt du 17 février 2021.
En l’espèce, après un licenciement, un protocole d’accord transactionnel, conclu en des termes généraux et portant tant sur l’exécution que la rupture du contrat de travail, avait été conclu le 30 mars 2015.
La salariée a néanmoins saisi le Conseil de prud’hommes en 2016 d’une demande de paiement de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence.
L’employeur avait en effet omis de libérer la salariée de son interdiction de concurrence lors du licenciement.
En appel, la salariée a eu gain de cause, la Cour d’appel estimant que le protocole transactionnel était muet sur la question spécifique de la clause de non concurrence.
La Cour de cassation casse cet arrêt en reconnaissance plein effet libératoire à la transaction
Ce faisant, elle renonce à sa jurisprudence passée selon laquelle un clause contractuelle destinée à trouver application après la rupture du contrat de travail n’est pas, « sauf disposition expresse contraire » affectée par la transaction conclue (Cass. soc. 18 janvier 2012, n° 19-20.635)
Vote électronique – Ouverture de négociations obligatoires en présence d’un DS
Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533
En application de l’article L. 2314-26 du Code du travail :
« L’élection a lieu au scrutin secret sous enveloppe.
Elle peut également avoir lieu par vote électronique, […], si un accord d’entreprise ou, à défaut, l’employeur le décide… »
Ces dispositions appelaient deux questions en pratique : L’employeur qui souhaite mettre en place le vote électronique doit-il nécessairement tenter une négociation avec ses délégués syndicaux avant de pouvoir, en cas d’échec, le mettre en place par décision unilatérale ? Par ailleurs, à défaut de délégué syndical dans l’entreprise, le même préalable s’impose-t-il par la voie de la négociation dérogatoire (avec le CSE, avec un salarié mandaté ou par référendum selon l’effectif de l’entreprise) ?
La Cour de cassation apporte réponse sur ces deux points en confirmant les intuitions de la doctrine et de la pratique.
Elle confirme ainsi :
Ainsi, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, l’employeur peut, sans négociation dérogatoire préalable, mettre en place unilatéralement le vote électronique.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte par ailleurs une précision utile sur le juge compétent en cas de litige portant sur la mise en place du vote électronique.
Sur ce point, même si l’accord mettant en place le vote électronique a la nature d’un accord collectif de droit commun, le litige relève du contentieux des élections professionnelles (Tribunal judiciaire statut en dernier ressort, ex-Tribunal d’instance).
Prise en charge des cotisations syndicales – Accord collectif – Conditions
Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 18-10.672
Selon l’OCDE, la France est un des pays riches où le taux de syndicalisation est le plus faible, de l’ordre de 8 % dans le secteur privé.
Forts de ce constat, certains employeurs, soucieux de la qualité du dialogue social, ont conclu des accords collectif destinés à favoriser l’adhésion des salariés de l’entreprise à une organisation syndicale en prenant en charge une partie du coût de l’adhésion au syndicat.
La Cour de cassation admet sans surprise la possibilité de conclure un tel accord collectif plus favorable.
Elle subordonne toutefois sa licéité aux quatre conditions suivantes :
1/ Le dispositif ne doit pas porter atteinte au principe de liberté syndicale (liberté d’adhérer ou non à un syndicat.
2/ Il doit garantir l’anonymat des salariés adhérents.
3/ Il ne peut pas être réservé aux syndicats représentatifs dans l’entreprise et doit pouvoir bénéficier à toutes les organisations syndicales présentes.
4/ Le montant pris en charge par l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié pour adhérer, le cas échéant après déductions fiscales.
Cette dernière condition découle de l’un des sept critères de représentativité syndicale : l’indépendance du syndicat vis-à-vis de l’employeur.
Présidence – Salarié mis à disposition (oui)
Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-18.681
Conformément à l’article L. 2315-23 du Code du travail, le CSE est « présidé par l’employeur ou son représentant » (comme c’était le cas également pour la présidence du comité d’entreprise).
En pratique, se pose régulièrement la question de la légitimité du représentant choisi pour présider le CSE.
Cela renvoie aux conditions de validité de la délégation de pouvoir, soit, en particulier :
C’est sur ce dernier point que la Cour de cassation était plus particulièrement interrogée en l’espèce.
Le président d’une association avait délégué la présidence du CSE à un salarié extérieur à l’association et mis à la disposition de celle-ci en tant que « chargé de la gestion des ressources humaines ».
Il n’y avait donc pas de contrat de travail entre le chef d’entreprise et le délégataire.
La Cour de cassation retient la solution suivante :
«…
L’employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l’employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l’information et à la consultation de l’institution représentative du personnel, de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l’employeur par une autre entreprise.
…»
En d’autres termes, pour la Haute Cour, l’important est que soient réunies les trois critères de légitimité du délégataire : autorité, compétence, moyens.
Il semble que la condition de subordination résulte implicitement de la délégation en elle-même, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un lien de subordination juridique (critère majeur de reconnaissance d’un contrat de travail).
Procédure de contrôle – Lettre d’observations – Manquements
Cass. 2e Civ., 24 Juin 2021, n° 20-10.136, n°20-10.139
En droit du travail, s’agissant du climat de travail, un salarié doit être débouté de ses demandes au titre d’un harcèlement moral lorsque les faits allégués se rattachaient à une relation conflictuelle à la manifestation de laquelle le comportement du salarié a participé (Cass. soc. 3 novembre 2011 n° 10-20.235 ; Cass. soc. 29 mai 2013 n° 12-13.530).
Il s’agit là d’une application de l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne retient pas la même solution en matière de droit de la protection sociale.
En l’espèce, un salarié avait déclaré un accident du travail pour syndrome dépressif suite à une altercation avec son supérieur hiérarchique, alors même que le salarié était à l’origine du différend.
Peu importe pour la Cour de cassation, qui se réfère à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale et à sa jurisprudence constante : tout accident survenu aux temps et lieu de travail est présumé avoir une cause professionnelle.
Cette présomption simple peut être renversée sous réserve d’apporter la preuve que la lésion est totalement étrangère.
Tel n’est pas le cas en l’espèce : le fait que le salarié soit à l’origine de l’altercation n’est pas de nature à renverser la présomption du caractère professionnel du syndrome dépressif.
Réglementation applicable – Direction Générale du Travail
Instruction DGT RT1/2021 du 19 janvier 2021
La réglementation (européenne et française) applicable au détachement de salariés est particulièrement touffue.
S’agissant d’un thème très « politique », de nombreux textes ont été adoptés ces dernières années, rendant l’ensemble du dispositif complexe.
Fort opportunément, la Direction Générale du Travail a publié le 21 janvier 2021 une instruction, qui se veut à jour et exhaustive sur le sujet.
L’instruction comporte pas moins de 74 pages pour détailler les différents point pouvant poser difficulté en pratique (définition du détachement, dispositions applicables aux salariés détachés, obligations de l’employeur, obligations de vigilance et de diligence du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre, recours et sanctions.
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